Voir la carte

L'Europe après les Traités de
Westphalie et des Pyrénées :
Au moment où Louis XIV
prenait lui-même, à la mort de Mazarin (1661), la direction de l'Etat, la
prépondérance en Europe avait été assurée à la France par les traités de
Westphalie (1648) et des Pyrénées (1659).
Pour s'en convaincre, il suffit de jeter un coup d'oeil
rapide sur la situation des principales nations de l'Europe vers cette
époque.
Les deux branches de la maison d'Autriche ont été
vaincues.
L'Espagne, l'Italie et l'Allemagne, qui avaient autrefois
composé le vaste empire de Charles-Quint, sont en pleine décadence.
L'Angleterre, depuis la mort de Cromwell, se trouvait dans un
état de malaise intérieur qui paralysait son influence.
La Pologne, sous son roi Jean-Casimir, était en proie aux troubles
des factions et se voyait menacée par la Russie.
La Turquie est encore forte, mais ses sultans, relégués au fond du
serial, ont perdu l'énergie conquérante des Soliman.
La Russie, qui commence à étendre ses limites sous les premiers
Romanof, n'est d'aucun poids encore dans les affaires de l'Europe.
Seule la Hollande et la Suède sont vraiment puissantes et
prospères.
Elles étaient les alliées de la France.
DECADENCE DE
L'ESPAGNE
:
L'Espagne, si puissante sous Philippe II, était entrée,
à la mort de ce prince, dans une voie de décadence dont elle ne devait
plus sortir.
Philippe III (1598-1621), qui avait succédé à Philippe
II son père (en 1598), était un prince vertueux mais faible de santé et
d'un naturel apathique.
Il laissa tout le poids du gouvernement à son ministre,
le duc de Lerme, puis au fils de celui-ci, le duc d'Uzéda.
Ayant continué la guerre contre les Provinces-Unies
(c'est à dire les Hollandais), il fut contraint d'accepter leur
indépendance en signant la Trêve d'Anvers.
Sous son règne, les Morisques furent expulsés de
l'Espagne. Les Maurisques étaient des descendants des anciens Maures, qui
étaient demeurés en Espagne où ils s'occupaient d'industrie, de commerce
et de culture.
Malgré leur conversion plus apparente que sérieuse, ils étaient toujours
prêts à faire cause commune avec les musulmans d'Afrique.
Philippe IIIprononça leur expulsion et se priva
ainsi de deux cent mille habitants. Ce fut un coup funeste pour
l'industrie et l'agriculture de l'Espagne.
Philippe III prêta son appui à l'empereur d'Allemagne
au début de la guerre de Trente ans et occupa la Valteline en 1621.
Philippe IV (1621-1665), à l'imitation de son
père, laissa aussi le gouvernement à des favoris, le duc d'Olivarès et
Louis de Haro, qui se succédèrent au ministère.
Il ne put ni conserver la Valteline, que
Richelieu l'obligea de rendre aux Grions, ni de reconquérir les
Provinces-Unies qui lui enlevèrent le Brésil.
Continuant de prendre une part active à la guerre
de Trente ans, il occupa l'électorat de Trêves. A la suite de cette
occupation, Richelieu lui déclara la guerre.
Le traité des Pyrénées, qui mit fin aux
hostilités, lui enleva l'Artois, le Roussillon et quatorze villes du
Hainaut et du Luxembourg.
L'Espagne, épuisée par la guerre, l'était
également par les troubles intérieurs. En 1640, la Catalognese souleva et
se donna à Louis XIII, roi de France. Elle ne fut recouvré que douze ans
plus tard.
La même année, le Portugal proclamait son
indépendance et se séparait pour toujours de l'Espagne.
Olivarès, par flatterie, avait fait prendre
à Philippe IV le nom de Grand, à son avènement. A la fin de son règne, la
malignité publique lui attribuait pour armes un fossé avec cette devise :
" Plus on lui ôte, plus il est grand."
Malgré toutes ces pertes, l'Espagne, en
1660, possédait encore le Milanais, la Flandre, la Franche-Comté, Naples
et la Sicile.
LE PORTUGAL
RECOUVRE SON INDEPENDANCE (1640)
Philippe II avait réuni
le Portugal à l'Espagne à la mort du cardinal Henri, dernier représentant
de la Maison d'Aviz (1580).
Sous Philippe IV, les rigueurs du comte Olivarès excitèrent
au plus haut degré l'irritation des Portugais.
A l'occasion d'un nouvel impôt, la ville de
Lisbonne, excitée par Pinto Ribeiro, secrétaire du duc de Bragance, se
souleva contre la domination espagnole. Toutes les villes du Portugal
imitèrent cet exemple, proclamèrent l'indépendance nationale, et remirent
la couronne au duc de Bragance parent des anciens rois (1640).
Ainsi commença la Maison royale de Bragance qui
occupe encore le trône.
Toutes les anciennes colonies portugaises en Asie, en Afrique
se séparèrent de l'Espagne et se mirent sous la dépendance du Portugal. La
Hollande lui rendit plus tard le Brésil, à l'exception de la Guyane
Hollandaise.
L'Espagne tenta vainement de reconquérir le Portugal :
elle y renonça en 1668, après 28 ans de guerre sans résultat.
L'ITALIE
Une partie de l'Italie se
trouvait depuis les règnes de Charles-Quint et de Philippe II sous la
domination des Espagnols qui possédaient le Milanais et les deux Siciles.
Dans le nord l'influence de la France était prépondérante.
La république de Venise, bien déchue de son ancienne
grandeur, était pourtant assez puissante pour soutenir seule pendant
trente ans la guerre contre les Turcs (de 1641 à 1669). Un des faits
remarquables de cette longue guerre fut le siège de Candie, dont les Turcs
ne s'emparèrent qu'après un siège de vingt ans, lorsque la ville n'était
plus qu'un morceau de décombres (1669).
Affaiblie par cette longue guerre, Venise ne se releva
plus.
L'ALLEMAGNE, DECADENCE DE L'EMPIRE
La guerre de Trente ans
avait épuisé l'Allemagne. Elle comptait plus de trois cents Etats, et
conservait sa division en dix cercles : d'Autriche, de Bavière, de Souabe,
de Franconie, du Haut-Rhin, du Bas-Rhin, de Westphalie, de Bourgogne, ou
des Pays-Bas, de Basse-Saxe et de Haute-Saxe.
L'autorité impériale, réduite à peu de chose, avait été
encore amoindrie en 1658 par la formation de la Ligue du Rhin. Cette
ligue, dont Mazarin avait été l'inspirateur, était une association conclue
entre les électeurs de Mayence, de Cologne et de Trèves, l'évêque de
Munster, le comte palatin du Rhin, le roi de Suède en qualité d'archevêque-duc
de Brême, les duc de Brunswick et de Lunebourg et le landgrave de Hesse.
Elle avait pour but d'assurer l'exécution du traité de
Westphalie, c'est à dire le triomphe de l'Allemagne sur l'empereur.
La France avait adhéré à la ligue et s'était engagé à
la défendre.
Le pouvoir impérial était tombé si
bas, que les princes pouvaient ainsi se coaliser impunément contre
l'empereur avec une puissance ennemie.

PROSPERITE DE
LA HOLLANDE
Les Pays-Bas, après avoir
appartenu aux duc de Bourgogne, qui les faisaient administrer par des
lieutenants ou des Stathoiders, échurent à la maison d' Autriche, par la
mort de Marie de Bourgogne, fille de Charles le Téméraire (en 1482).
Charles-Quint les donna à son fils Philippe II, roi d'Espagne. Le
protestantisme s'y était développé rapidement.
En 1564, les provinces s'étaient soulevées contre
la domination Espagnole. A l'instigation de Guillaume d'Orange, elles
avaient conclu entre elles l'Union d'Utrecht, s'étaient déclarées
indépendantes et avaient fondé la République des sept Provinces-Unies
(Hollande, Zélande, Utrecht, Gueldre, Grouingue, Frise et Over-Yssel).
Guillaume d'Orange, le Taciturne, avait été mis à
la tête de la nouvelle République avec le titre de Stathouder.
Le soulèvement de la Hollande eut pour conséquence une
longue guerre avec l'Espagne, pendant laquelle la France ne cessa point de
soutenir les Hollandais. Leur indépendance fut enfin définitivement
reconnue à la paix de Westphalie par le traité de Munster, en 1648.
Les Hollandais étaient puissants par leur marine
et leur commerce. Leurs possessions coloniales étaient considérables :
elles comprenaient une partie de la Guyane, le cap de Bonne-Espérance, et
dans les Indes orientales, les cinq gouvernements de Java, d'Amboine, de
Ternate, de Macassar et de Ceylan. Leur navires, aussi nombreux que ceux
de l'Angleterre, avaient le monopole du commerce avec la Chine et le
Japon.
Les Hollandais devaient leur prospérité à leur
activité, à leur goût simples, à leur patriotisme, enfin à la situation
exceptionnelle de leur pays, à l'embouchure de trois grands fleuves.
En 1652, la Hollande s'était trouvée assez forte pour
rompre avec l'Angleterre, son ancienne alliée. En 1660, elle portait
secours au roi de Danemarck, assiégé dans Copenhague par Charles-Gustave,
roi de Suède, et le délivrait après avoir battu la flotte suédoise.
La Hollande, pourtant, avait en elle un principe de
décadence. Ses habitants depuis l'époque de l'indépendance, se trouvaient
divisés en deux partis politiques.
L'un, le parti de la paix, était formé de l'aristocratie
commerciale. Il voyait dans le développement de la marine et du commerce
les sources de la prospérité publique et de la richesse privée. Aussi
étai-il complètement opposé à toute tentative belliqueuse. Il avait pour
chef Jean de Witt, grand pensionnaire, ou président de l'Assemblée des
Etats Généraux de la province de Hollande.
L'autre était le parti démocratique et militaire. Il
regardait la guerre comme un moyen détendre la puissance de la Hollande. A
sa tête était le Stathouder, chef militaire des Provinces-Unies.
Le traité de Munster (en 1648), qui termina la guerre
avec l'Espagne, avait donné la prépondérance au parti de la paix, le
Stathoudérat avait été supprimé et le grand pensionnaire Jean de Witt
était demeuré seul chargé de la direction de la république.
Cet homme laborieux, sage et modeste, était encore à la
tête des affaires en 1660.
LA SUEDE
APRES LA PAIX DE WESTPHALIE
Règne de la reine Chritine (1632 - 1654).
A la mort de Gutave-Adolphe, Christine sa fille, était
dans sa sixième année; elle fut placée par la diète sous la tutelle de
cinq grands dignitaires du royaume, dont le président fut le chancelier
Oxenstiern.
Devenue majeure (en 1644), elle montra d'abord une
grande maturité d'esprit, une grande facilité de travail, un goût prononcé
pour les arts et pour les sciences. Mais quelques années après un
changement complet s'opéra dans toute sa conduite; elle négligea les
affaires publiques, dissipa le trésor, écarta les anciens ministres,
s'entoura de favoris vulgaires, tels que le comte de la Gardie et le
médecin Bourdelat, et perdit l'estime des Suédois par sa conduite
irrégulière et bizarre. Elle prit alors le dégoût du pouvoir, et, comme
elle n'avait jamais voulu se marier, elle abdiqua en faveur de son cousin,
le prince Charles-Gustave (1654).
La reine Christine quitta la Suède et parcourut
l'Europe, étonnant les cours qu'elle visitait par ses connaissances et ses
talents, autant que par ses bizarreries choquantes. Pendant son séjours en
France, elle fit poignarder, à Fontainebleau, son écuyer Monaldeschi. Elle
alla enfin mourir à Rome, après s'être convertie au catholicisme
Règne de Charles X ou Charles-Gustave (1654 - 1660).
Charles X, devenu roi de Suède par l'abdication de Chritine,
était fils de Jean-Casimir, prince palatin des Deux-Ponts (en Bavière), et
de Catherine, fille de Charles IX. Par sa mère, il était donc
arrière-petit-fils de Gustave de Wasa.
Il commença la dynastie
suédoise des Deux-Ponts. Il avait appris l'art de la guerre en
Allemagne, pendant la guerre de trente ans, sous le fameux général
Tortenson. Il se montra digne, par son courage et par ses
qualités brillantes, d'occuper le trône de Gustave-Adolphe.
Lorsque Chritine abdiqua en faveur de Charles X, le roi
de Pologne, Jean-Casimir, petit fils de Sigismond, ancien roi de Suède,
protesta contre son avènement au trône et revendiqua la couronne.
Charles X envahit la Pologne, s'empara de Varsovie et
de Cracovie, battit Jean-Casimir en plusieurs rencontres et, en moins de
trois mois, s'empara de toute la Pologne. Jean-Casimir ayant réussi à
reprendre Varsovie, Charles X, suivi de Frédéric-Guillaume, électeur de
Brandebourg, son allié, lui livra sous les murs de la ville une bataille
qui dura trois jours et qui se termina par la défaite des Polonais.
Les succès de Charles X excitèrent alors les
appréhensions des Etats du Nord. Fréréric III, roi du Danemarck, envahit
la Suède; le czar de Russie, Alexis Michaëlowitz, attaqua les provinces
suédoises des bords de la Baltique; l'empereur d'Allemagne envoya des
renforts au roi de Pologne. Charles signa une trêve avec le czar, laissa à
ses généraux le soin de réduire Jean-Casimir et s'élança contre le
Danemarck.
Le Holstein, le Sleswig, le Jutland tombèrent
bientôt en son pouvoir. Il parvint alors jusqu'aux rives du petit Belt. On
était en plein hiver, le détroit large d'une lieue était couvert de glace;
sans hésiter, le roi de Suède passa avec ses vingt mille hommes et ses
canons, s'empara de l'île de Fionie, traversa aussi le grand Belt sur la
glace, atteignit l'île de Seeland et menaça Copenhague. Le roi de
Danemarck l'éloigna par le traité de Roskild, qui cédait à la Suède
plusieurs provinces.
Charles X avait recommencé la guerre contre le
Danois, qui exécutaient mal le trité, quand il mourut subitement.
Prépondérance de la Suède dans le Nord.
Depuis Gustave-Adolphe, la Suède n'avait point
perdusa prépondérance dans le nord de l'Europe. Elle possédait l'Estonie,
la Finlande, l'Ingrie, la Carélie, la Livonie, les îles de Gothland et d'OEsel.
Le traité de Westphalie lui avait donné la Poméranie et plusieurs villes
importantes d'Allemagne sur les bords de la Baltique.
Les traités d'Oliva et Copenhague et de Kardiss
allaient accroître encore son importzance.
Traité d'Oliva (1660).
Charles X laissait la couronne à son fils Charles XI,
qui n'avait que cinq ans. Le conseil de régence, composé de la mère du
jeune roi et de cinq grands dignitaires, s'occupa immédiatement de mettre
fin par des traités de paix aux trois guerres que Charles X n'avait pu
terminer.
Le traité d'Oliva (près de Dantzick), signé avec
la Pologne et le Brandebourg, cédait à la Suède la Livonie polonaise. Le
roi de Pologne renonçait à toutes ses prétentions au trône de Suède.
Le traité de Copenhague avec le Danemarck accorda aux
Suèdois le Halland, la Scanie, le Blékingen et le Bohus.
Le traité de Kardiss, en Livonie, avec les Russes,
reconnaissait à la Suède la possession de toute la côte orientale de la
Baltique, comprenant la Finlande, la Carélie, l'Ingrie, l'Esthonie et la
Livonie.
C'est ainsi que les exploits de Charles X
procurèrent à son royaume une extension considérable, firent de la
Baltique un véritable lac Suédois et confirmèrent la prépondérance de la
Suède sur les Etats du nord de l'Europe.
J.L. CHARLOT |