Animal le plus redouté de l'homme pendant des siècles, objet de nombreux
mythes et légendes, le loup a forcément laissé une trace importante dans
l'onomastique, et notamment dans les noms de famille.
C'est vrai en France,
mais aussi dans beaucoup d'autres pays : employé comme nom de baptême, comme
surnom, comme toponyme, il est à l'origine de plusieurs dizaines de
patronymes différents, dont les exemples ci-dessous ne sont qu'un rapide
aperçu.
Nom de personne ou surnom ?
En France, le nom de famille Loup se rencontre notamment dans
le Tarn et
dans l'Yonne.
On peut y voir un surnom donné à celui qui est féroce comme un
loup, mais il ne faut pas oublier que Loup fut aussi un prénom popularisé
par plusieurs saints : par ordre chronologique, on citera d'abord un
évêque
de Troyes au début du Ve siècle, qui défendit sa ville contre Attila et les
Huns.
Un autre saint Loup fut archevêque de Sens, en Champagne (début du VIIe siècle), et un troisième fut nommé
évêque de Limoges en 613.
Bien
entendu, l'étymologie est la même que pour l'animal et le surnom qui en
découle : le latin lupus, qui a donné
l'italien Lupo et ses variantes
Lupi,
Luppo, Luppi, Lovo, ainsi que de nombreux diminutifs, par exemple
Lupelli,
Lupetti, Lupino, Lupini, Lovato, Lovati, Lovelli.
En France, les diminutifs les plus fréquemment rencontrés sont
Loubet,
Louvel et Louvet, et il faut sans doute les rattacher au nom de baptême.
Par
contre, les formes Leleu (Normandie, Picardie) et
Leloup (Lorraine) sont
forcément des surnoms, à rapprocher du breton
Le Bleis, plus courant sous
les formes Le Blais et Le Blay.
Le loup est à l'origine du prénom espagnol
Lope, et de son diminutif
filiatif Lopez, qui devient
Lopes au Portugal et
Llopis en Catalogne.
Le
catalan connaît aussi le nom Llop, et son dérivé
Lloubes.
Chez les Basques,
pour qui la plupart des noms de famille sont au départ des toponymes, le
loup constitue la principale exception : c'est lui que l'on retrouve dans
les patronymes Otxoa, Otchoa, Ochoa (otso, otxo = loup, le
a final étant un
article postposé).
Les langues germaniques sont à l'origine de l'anglais et de l'allemand
Wolf
(également Wolff), utilisés comme surnoms, comme noms de baptême, et qui
entrent en composition dans de nombreux noms de personne portés en France :
Arnoux (Arnwulf), Bardoux (Bardwulf),
Béroul (Berhtwulf),
Billoux (Biliwulf),
Frezoul (Fridwulf), ou encore
Raoul (Radwulf) et Rodolphe,
Rudolf (Hrodwulf),
la liste n'étant pas exhaustive.
On sait aussi que le nom Wolf(f) fut adopté
par les juifs askhénazes, pour qui il est l'équivalent de
Benjamin (d'après
le testament de Jacob comparant Benjamin à un loup).
On trouve enfin en
Belgique et en Hollande
les formes De Wolf, De Wulf (également
Dewolf, Dewulf), surnoms qui signifient en néerlandais "le loup".
Parmi les autres loups célèbres, on n'oubliera pas l'arabe
Dib (dhi'b), le
hongrois Farkas ou
l'irlandais Whelan, anglicisation de
O' Faolain (le
descendant de Faolán, nom de personne formé sur faol
= loup).
Les chasseurs de loups :
Revenons en France avec plusieurs surnoms ayant visiblement désigné des
chasseurs de loups, chacun ayant sa spécificité : celui qui s'appelle
Corneloup (Saône-et-Loire)
sonnait du cor pour annoncer la présence du loup,
mais, s'il n'avait pas de cor, il pouvait très bien crier, et dans ce cas on
l'appelait Hucheloup (Normandie, Bourgogne), de l'ancien français huchier
=
appeler à haute voix.
Venaient ensuite les piqueurs, représentés notamment par les noms
Bouteleux,
Boutleux (Normandie), ou encore
Poinloup (Loiret).
Puis il restait à tuer
l'animal, tâche impartie aux Tuloup (Bourbonnais) et aux
Lasbleiz
(Bretagne).
Celui qui avait tué l'animal pouvait éventuellement se vêtir de
sa peau ou la vendre, ce qui semble explique le patronyme Paudeleux
(Normandie).
Des lieux fréquentés par les loups :
Le loup a laissé de nombreuses traces dans la topographie, les
toponymes
étant ensuite souvent devenus noms de famille.
Une importante série désigne
des lieux où l'on entend le loup hurler.
Cependant, nos ancêtres avaient
trouvé une façon plus imagée de le dire, et ils parlaient d'endroits où le
loup chante. D'où le toponyme Chanteloup (Ouest), et ses variantes
Canteleu, Dechanteloup (Normandie),
Cantaloup (Gers),
Cantallop (Catalogne),
Cantalupi
(Italie).
De façon plus générale, les lieux fréquentés par les loups sont appelés
Louvière, Louviers, sans oublier le
Louvre, à l'époque où les loups
entraient dans Paris.
Les variantes occitanes ou catalanes sont
Loubière,
Loubère, Llobère, Lloveras.
On peut aussi désigner ces lieux par les traces
que l'on y décèle : Grataloup (Rhône) est un endroit où le loup a gratté la
terre, Pasdeloup (Cher, Normandie) le lieu où l'on a trouvé ses empreintes.
Inutile de préciser quelles traces a laissées l'animal dans des lieux tels
que Pisseloup (Bourgogne) ou
Picheloup (région toulousaine), éventuellement
Chiloup (Bretagne, Picardie).
Plus étonnant, le nom Dupanloup (Savoie, Dupanloux en Franche-Comté) renvoie
à de nombreux hameaux ou lieux-dits où l'on pendait le loup, selon une
coutume médiévale voulant qu'un animal ayant commis un crime pût être jugé
et condamné, tout comme un être humain.
La pendaison avait une valeur
exemplaire, et l'on estimait sans doute que la vue d'un loup se balançant à
un arbre ou à un gibet découragerait ses congénères d'accomplir des forfaits
semblables aux siens.
Il existe en France plusieurs lieux-dits "Loup Pendu"
qui ne laissent aucun doute sur la signification du toponyme, rencontré
également sous la forme Penjallops en Catalogne.
Bref, sous des formes diverses et souvent inattendues, le loup était
omniprésent dans l'imaginaire et dans la réalité des générations anciennes,
et aucun autre animal sauvage, à l'exception peut-être de l'ours dans les
régions montagneuses, ne semble avoir eu un tel succès, le terme étant
peut-être ici impropre.
Le mythe de la bête du Gévaudan, au XVIIIe siècle,
sera la dernière grande illustration de cette renommée, avant l'éradication
de l'espèce au siècle suivant. |